samedi 8 mars 2025

Secret des correspondances et cabinet noir

Depuis quelques jours nos sénateurs dans le cadre d'une loi contre le narcotrafic essayent d'introduire des faiblesses de chiffrement pour briser le secret des correspondances des messageries et surveiller les correspondances électroniques. On peut y voir l'un de avatars de plus de la lutte entre secret des correspondances et cabinet noir

Aux origines de la poste royale, Louis XI dans l'Édit sur les Postes du 19 juin 1464 précise que les postes sont créées uniquement pour le service du Roi et de son gouvernement (article 1), mais le pape et les princes étrangers des nations amies peuvent en bénéficier moyennant finances, et en s'engageant à en respecter les règles (art. 10). Il instaure en particulier un contrôle aux frontières empêchant la libre circulation du courrier international (art. 11), et précise que les agents du service postal doivent prendre connaissance de toutes les correspondances, en s'assurant qu'elles ne contiennent rien qui soit contraire au service du roi (art. 13-17). Au commencement donc il n'y avait pas de secret, et la surveillance était assumée.

En 1576 Henri III ouvre la poste aux particuliers, mais cet accès semble avoir été limité en pratique « au port des sacs et papiers de justice seulement ». Il faut attendre 1630 pour que Richelieu fonde la poste aux lettres en créant le maître des courriers. Dès ce moment un cryptographe Antoine Rossignol au service du cardinal déchiffra les missives cryptées pour le compte de son maître. Le véritable mobile de cette ouverture au public semble même avoir été, à l'origine, de placer la circulation des correspondances sous le contrôle royal, car elle a permis de mettre fin aux diverses postes particulières des grands seigneurs, des prélats et des universités.

Pendant le règne de Louis XIV, Antoine Rossignol et son fils, Bonaventure fondent d'une part le Cabinet noir (sous le ministère de Louvois) qui ne se fit aucun scrupule de violer le secret des lettres pour instruire leur maître des motifs qui faisaient correspondre entre elles certaines personnes. Dans ce but, il n'avait rien été trouvé de plus simple que de charger des employés spéciaux du soin de décacheter les lettres des particuliers, de prendre connaissance du contenu et de faire un extrait qu'on mettait sous les yeux du roi. D'autre part ils établissent le "Grand Chiffre" un chiffrement par substitution à répertoire destiné aux messages ultra-secrets de la couronne. Ce cabinet continua son œuvre sous la Régence puis sous Louis XV il est renommé « cabinet du secret des postes ». Il semble que ce comité ait été composé de 22 membres.

Louis XVI fut le premier à consacrer le secret des correspondances et le 17 août 1775, le conseil du roi produisit un arrêt condamnant fermement une interception de lettres privées. On doit probablement cet arrêt à l'influence du ministre Turgot, nommé surintendant des Postes la même année mais dès la fin de son mandat, son successeur reprend la surveillance. Lors de l'établissement des cahiers de doléance en 1789, de nombreux bailliages réclamèrent l'abolition du cabinet noir. Dans son rapport de synthèse du 27 juillet 1789 devant les États généraux, le comte de Clermont-Tonnerre déclarera "La Nation française s'élève avec indignation contre les lettres de cachet, qui disposaient arbitrairement des personnes, et contre la violation du secret de la poste, l'une des plus absurdes et des plus infâmes inventions du despotisme." . La question du secret des lettres a été longtemps débattue par l'Assemblée nationale constituante, et il fallut attendre le 5 décembre 1789 pour voir le respect de ce secret stipulé dans un arrêté, puis confirmé par décret le 10 août 1790, tandis que « la dépense du travail secret » (300 000 livres par an) était supprimée.

Néanmoins le décachetage des lettres était pratiqué à nouveau dès 1792. Le 9 mai 1793, la Convention vota un décret ordonnant l'ouverture systématique du courrier adressé aux Émigrés. Ces lettres étaient transmises au Comité de sûreté générale, qui les utilisaient pour faire arrêter les personnes soupçonnées d'« intelligences contre-révolutionnaires ». Après l'épisode de la Terreur, la surveillance épistolaire semble avoir été limitée à nouveau au courrier international, avec un retour à un véritable cabinet noir. Le 25 octobre 1795, à la veille de la passation de pouvoir au Directoire, une des dernières dispositions adoptées par la Convention fut de rappeler dans un article du nouveau code pénal l'interdiction de violer le secret des lettres, à l'exception des celles « venant des pays étrangers ou destinées pour ces mêmes pays ».

Dès le Consulat, Bonaparte a laissé de nombreuses lettres où il ordonne de surveiller le courrier privé. Napoléon demande à Antoine de Lavalette, directeur des postes d'organiser un cabinet noir. Néanmoins pendant les Cent-Jours, le ministre de l'Intérieur Carnot rappela aux préfets que l'inviolabilité du secret des lettres était inscrite dans les lois, et qu'ils devaient veiller à la faire respecter. A la Restauration le viol du secret des correspondances passe à la préfecture de police de Paris où il est utilisé comme un procédé usuel dans les enquêtes policières. Le 1er février 1828, sous Charles X, Antoine Roy, ministre des finances dans le nouveau gouvernement libéral, annonça par arrêté la fin du cabinet noir. Lors de la révolution de 1848, Étienne Arago prit la direction générale des postes et supprima a nouveau ce qu'il a appelé "un reste immonde du Cabinet-Noir de la monarchie, fonctionnant encore, à l'insu des ministres de la République, dans les bas-fonds de deux ministères". Néanmoins juste après son départ en 1849 le cabinet noir a recommencé à fonctionner.

Le cabinet noir fût à nouveau extrêmement actif sous le second empire concernant cette fois non seulement les lettres mais aussi les dépêches télégraphiques. La loi du 29 novembre 1850 avait ouvert le télégraphe électrique de l'État aux communications privées en garantissant l'inviolabilité de leur secret, mais l'identité des personnes était rigoureusement contrôlée, et le Gouvernement se réservait « le droit d'arrêter la transmission des dépêches contraires à l'ordre public et aux bonnes mœurs ». L'apparition du timbre, la multiplication des boites aux lettres conduisant à l'anonymat de l’expéditeur et augmentation du nombre de lettres à traiter, on précipité la disparition du cabinet noir qui fut actée en 1870 lorsque Germain Rampont, nouveau directeur de la poste, mit fin à l'activité de Simonel.

En principe, seul désormais l'état de guerre allait légitimer l'ouverture systématique du courrier destiné à l'étranger par la censure postale, mais alors de façon officielle et non occulte, sanctionnée par l'apposition de cachets et bandes de fermeture bien apparents. En temps de paix, s'il n'y avait plus d'officine spécialement dédiée à l'espionnage épistolaire sous la Troisième République, l'article 10 du code d'instruction criminelle permettait à la police de saisir les lettres suspectes, et de les copier avant de les remettre dans le circuit de distribution. En 1913, le préfet de police Célestin Hennion créa une direction des renseignements généraux et des jeux, dont l'une des activités principales était la surveillance postale, perpétuant ainsi la pratique institutionnalisée du viol du secret des correspondances.

Depuis 1946 en France, la violation du secret de la correspondance, qu'elle circule par voie postale ou par un réseau de télécommunications, est actuellement réprimée (actuellement par les articles 226-15 et 432-9 du code pénal et par l'article L 33-1 du code des postes et des communications électroniques.). Le retour de faiblesses de chiffrements imposées par l'état dans les communications électroniques serait un retour en arrière et une ré-apparition de facto du cabinet noir.

Sources historiques : article Wikipedia sur le cabinet noir

dimanche 23 février 2025

L’IA au service de la généalogie ? (IIe)

Après le Cercle Généalogique d'Alsace en septembre 2023, Généatique dans un nouveau billet de blog a fait une belle analyse de ce que l'IA peut apporter à la généalogie. Nous vous invitons à aller les lire.

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vendredi 17 janvier 2025

Le rétrécissement d'Internet (IIe)

Le premier épisode vous parlait de l'hégémonie de quelques grosses plateformes, de la disparition des pages personnelles et des limitations mises par les moteurs de recherche.

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jeudi 2 janvier 2025

CommunesGenWeb fait peau neuve

Pour inaugurer l'année 2025, CommunesGW a modifié la présentation de ses archives

Un article consacré à la répartition des communes sur le territoire français peut paraître hors de propos sur un site de généalogie.

Cependant, notre base vous permet de retrouver l'historique de l'évolution, commune par commune, des toponymes depuis l'Ancien Régime, la Révolution, les toponymes successifs durant l'époque récente, jusqu'aux Communes Nouvelles créées par les lois de 2010, 2015, 2016 et 2020.

L'ensemble vous permet donc de suivre l'origine de vos SOSA.

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Bilan 2024 (IIe)

Deuxième partie du bilan, cette fois-ci sur notre présence sur les réseaux

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mardi 31 décembre 2024

Bilan 2024

Cet article est le 20e de l'année, c'est un rythme de publication dans la moyenne pour ce blog qui va fêter ses 20 ans en 2025 ! En effet, hormis notre période avec de nombreux quizz lors des premières années d'existence de ce blog, notre publication moyenne est de 21 articles par an, soit un tous les dix-sept jours.

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samedi 7 décembre 2024

Une généalogiste québécoise récompensée

Lucille Riendeau-Houle honorée à la Chambre des Communes

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vendredi 8 novembre 2024

Listes de diffusion VIIIe

Dans le 5e opus, nous vous indiquions qu'une des voies de sortie des listes de diffusion était la migration vers des forums. Las, il semble que ce mode de communication arrive lui aussi peut-être dans ses derniers instants.

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samedi 26 octobre 2024

L’IA au service de la généalogie ?

Il est désormais possible de demander à une Intelligence Artificielle (IA) la traduction française d’un texte original en latin, anglais, allemand, malgache [...]
Or le problème de base de tout généalogiste, ce n’est pas la traduction en français mais le déchiffrage du texte original manuscrit !

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lundi 16 septembre 2024

Décès de Thierry Straub, notre second président

Thierry Straub qui fut notre président pendant un an (en 2000) vient de décéder à l'âge de 60 ans.

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dimanche 11 août 2024

Décès de Frédéric Béziaud, notre webmestre historique

Frédéric Béziaud (1961-2024). Comme nous l'apprend chaque généalogie, nous n'alignons pas que des noms et des dates...

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dimanche 23 juin 2024

Le rétrécissement d'Internet

Nous avions déjà évoqué le sujet en 2009, ce qui est disponible sur Internet est en train de rétrécir. Plusieurs phénomènes se percutent, ce post tente de les recenser.

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dimanche 9 juin 2024

ADN et Généalogie XXXIe

Vous avez peut être vu passer il y a quelques jours un article intitulé "« J’ai tellement hâte de savoir d’où je viens ! » : ces Français adeptes des tests ADN généalogiques" (article derrière paywall) faisant une fois de plus la publicité des tests ADN à vocation généalogique. Bien qu'il rappelle l'interdiction des tests en France et les mises en garde de la CNIL, l'article se sert de l'argument émotionnel de la volonté de connaître ses origines (cf l'épisode XXI pour voir pourquoi c'est un sophisme)

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samedi 25 mai 2024

La grande armée (IIe) : les vétérans

Nous avons déjà évoqué sur ce blog le sujet de la grande armée en 2007 ainsi que la médaille de Sainte-Hélène créée par Napoléon III, récompense les 405000 soldats encore vivants en 1857, qui ont combattu aux côtés de Napoléon 1er pendant les guerres de 1792-1815.

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vendredi 10 mai 2024

La chasse aux sorcières

La chasse aux sorcières est la poursuite, la persécution et la condamnation systématique de personnes accusées de pratiquer la sorcellerie. En Europe, ce mouvement débute dans les années 1430 dans l'arc alpin par les procès de sorcellerie du Valais (Suisse) et connaît son apogée des années entre 1560 et 1630. Les dernières victimes semblent être au 19e siècle : Anne Duval en 1824 à Bournel (47), Jeanne Bédouret en 1850 à Camalès (65), Marie Lebon en 1886 à Luneau (03).

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jeudi 2 mai 2024

Cayenne ?

Lorsqu'on compulse des registres on tombe parfois sur le mot "cayenne". Si pour un contemporain il ne fait quasi aucun doute qu'il s'agit de la préfecture de la Guyane Française, il faut contextualiser suivant le lieu, le métier et l'époque. On trouve ce mot dans des archives relatives à des lieux fort loin de la Guyane, par exemple à l’Île-de-France (aujourd'hui Île Maurice).

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dimanche 21 avril 2024

Les guerres mondiales

Nous avons tous appris à l'école qu'il n'y a eu que deux guerres mondiales, toutes deux au XXe siècle. Cependant lorsque l'on reprend la définition de ce que veut dire "guerre mondiale", plusieurs guerres précédentes peuvent être qualifiées de même. En effet une guerre mondiale est un conflit armé à grande échelle impliquant des belligérants situés sur plusieurs continents.

Le premier point à remarquer est qu'avant la Seconde Guerre mondiale celle de 1939-1945, la Première Guerre mondiale celle de 1914-1918 n'était pas appelée ainsi mais désignée par l'expression « la Grande Guerre ». Donc même pour ses contemporains, la Grande Guerre n'était pas identifiée comme guerre mondiale. Alors où en sommes nous ?

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dimanche 7 avril 2024

Les routes historiques

L’éphémère Fédération nationale des routes historiques (2000-2019) avait distingué les 23 routes historiques (en fait des routes touristiques destinées à faire visiter les 500 monuments les bordant). Cette liste a été reprise et complétée par le site des routes touristiques qui a défini un peu plus d'une centaine de routes. (liste en annexe)

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dimanche 31 mars 2024

L'horloge du Panthéon

Horloge Wagner - photo Lazar Kunstmann pour Untergunther
Horloge Wagner - photo Lazar Kunstmann pour Untergunther
Horloge Wagner - photo Lazar Kunstmann pour Untergunther

L'histoire commence vers 1850, Bernard Henri Wagner (°11/05/1790, Paris, + 02/10/1855, Paris) un horloger mécanicien français, lauréat de nombreux prix de simplification des mécanismes horlogers installe une horloge au Panthéon. Cette horloge a une particularité : elle est sur plusieurs niveaux : le mécanisme, au-dessus les cloches, en dessous les poids et encore un étage en dessous, il y a le cadran qui est visible dans le monument. Les cloches ne résonnent que pour les visiteurs du monument. Dans les années 1960, cette horloge avait été probablement sabotée par un employé du monument, qui ne souhaitait plus avoir à remonter le mécanisme une fois par semaine. Un système électrique de la marque strasbourgeoise Ungerer y est alors ajouté, mais un deuxième sabotage peu après l'installation de l'électrification, la met hors de service pour de nombreuses années à venir. Le temps et la rouille ont fait le reste à tel point que la direction du Panthéon a oublié que cette horloge avait un jour fonctionné.

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dimanche 24 mars 2024

Les généalogies par métier

Nous abordons régulièrement les généalogie par l'angle des individus mais c'est méconnaître que ceux ci se transmettaient de génération en génération non seulement leur patronyme mais également souvent leur métiers. Cela semble évident pour les paysans ou métayers mais qu'en est-il des autres ?

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