Aux origines de la poste royale, Louis XI dans l'Édit sur les Postes du 19 juin 1464 précise que les postes sont créées uniquement pour le service du Roi et de son gouvernement (article 1), mais le pape et les princes étrangers des nations amies peuvent en bénéficier moyennant finances, et en s'engageant à en respecter les règles (art. 10). Il instaure en particulier un contrôle aux frontières empêchant la libre circulation du courrier international (art. 11), et précise que les agents du service postal doivent prendre connaissance de toutes les correspondances, en s'assurant qu'elles ne contiennent rien qui soit contraire au service du roi (art. 13-17). Au commencement donc il n'y avait pas de secret, et la surveillance était assumée.
En 1576 Henri III ouvre la poste aux particuliers, mais cet accès semble avoir été limité en pratique « au port des sacs et papiers de justice seulement ». Il faut attendre 1630 pour que Richelieu fonde la poste aux lettres en créant le maître des courriers. Dès ce moment un cryptographe Antoine Rossignol au service du cardinal déchiffra les missives cryptées pour le compte de son maître. Le véritable mobile de cette ouverture au public semble même avoir été, à l'origine, de placer la circulation des correspondances sous le contrôle royal, car elle a permis de mettre fin aux diverses postes particulières des grands seigneurs, des prélats et des universités.
Pendant le règne de Louis XIV, Antoine Rossignol et son fils, Bonaventure fondent d'une part le Cabinet noir (sous le ministère de Louvois) qui ne se fit aucun scrupule de violer le secret des lettres pour instruire leur maître des motifs qui faisaient correspondre entre elles certaines personnes. Dans ce but, il n'avait rien été trouvé de plus simple que de charger des employés spéciaux du soin de décacheter les lettres des particuliers, de prendre connaissance du contenu et de faire un extrait qu'on mettait sous les yeux du roi. D'autre part ils établissent le "Grand Chiffre" un chiffrement par substitution à répertoire destiné aux messages ultra-secrets de la couronne. Ce cabinet continua son œuvre sous la Régence puis sous Louis XV il est renommé « cabinet du secret des postes ». Il semble que ce comité ait été composé de 22 membres.
Louis XVI fut le premier à consacrer le secret des correspondances et le 17 août 1775, le conseil du roi produisit un arrêt condamnant fermement une interception de lettres privées. On doit probablement cet arrêt à l'influence du ministre Turgot, nommé surintendant des Postes la même année mais dès la fin de son mandat, son successeur reprend la surveillance. Lors de l'établissement des cahiers de doléance en 1789, de nombreux bailliages réclamèrent l'abolition du cabinet noir. Dans son rapport de synthèse du 27 juillet 1789 devant les États généraux, le comte de Clermont-Tonnerre déclarera "La Nation française s'élève avec indignation contre les lettres de cachet, qui disposaient arbitrairement des personnes, et contre la violation du secret de la poste, l'une des plus absurdes et des plus infâmes inventions du despotisme." . La question du secret des lettres a été longtemps débattue par l'Assemblée nationale constituante, et il fallut attendre le 5 décembre 1789 pour voir le respect de ce secret stipulé dans un arrêté, puis confirmé par décret le 10 août 1790, tandis que « la dépense du travail secret » (300 000 livres par an) était supprimée.
Néanmoins le décachetage des lettres était pratiqué à nouveau dès 1792. Le 9 mai 1793, la Convention vota un décret ordonnant l'ouverture systématique du courrier adressé aux Émigrés. Ces lettres étaient transmises au Comité de sûreté générale, qui les utilisaient pour faire arrêter les personnes soupçonnées d'« intelligences contre-révolutionnaires ». Après l'épisode de la Terreur, la surveillance épistolaire semble avoir été limitée à nouveau au courrier international, avec un retour à un véritable cabinet noir. Le 25 octobre 1795, à la veille de la passation de pouvoir au Directoire, une des dernières dispositions adoptées par la Convention fut de rappeler dans un article du nouveau code pénal l'interdiction de violer le secret des lettres, à l'exception des celles « venant des pays étrangers ou destinées pour ces mêmes pays ».
Dès le Consulat, Bonaparte a laissé de nombreuses lettres où il ordonne de surveiller le courrier privé. Napoléon demande à Antoine de Lavalette, directeur des postes d'organiser un cabinet noir. Néanmoins pendant les Cent-Jours, le ministre de l'Intérieur Carnot rappela aux préfets que l'inviolabilité du secret des lettres était inscrite dans les lois, et qu'ils devaient veiller à la faire respecter. A la Restauration le viol du secret des correspondances passe à la préfecture de police de Paris où il est utilisé comme un procédé usuel dans les enquêtes policières. Le 1er février 1828, sous Charles X, Antoine Roy, ministre des finances dans le nouveau gouvernement libéral, annonça par arrêté la fin du cabinet noir. Lors de la révolution de 1848, Étienne Arago prit la direction générale des postes et supprima a nouveau ce qu'il a appelé "un reste immonde du Cabinet-Noir de la monarchie, fonctionnant encore, à l'insu des ministres de la République, dans les bas-fonds de deux ministères". Néanmoins juste après son départ en 1849 le cabinet noir a recommencé à fonctionner.
Le cabinet noir fût à nouveau extrêmement actif sous le second empire concernant cette fois non seulement les lettres mais aussi les dépêches télégraphiques. La loi du 29 novembre 1850 avait ouvert le télégraphe électrique de l'État aux communications privées en garantissant l'inviolabilité de leur secret, mais l'identité des personnes était rigoureusement contrôlée, et le Gouvernement se réservait « le droit d'arrêter la transmission des dépêches contraires à l'ordre public et aux bonnes mœurs ». L'apparition du timbre, la multiplication des boites aux lettres conduisant à l'anonymat de l’expéditeur et augmentation du nombre de lettres à traiter, on précipité la disparition du cabinet noir qui fut actée en 1870 lorsque Germain Rampont, nouveau directeur de la poste, mit fin à l'activité de Simonel.
En principe, seul désormais l'état de guerre allait légitimer l'ouverture systématique du courrier destiné à l'étranger par la censure postale, mais alors de façon officielle et non occulte, sanctionnée par l'apposition de cachets et bandes de fermeture bien apparents. En temps de paix, s'il n'y avait plus d'officine spécialement dédiée à l'espionnage épistolaire sous la Troisième République, l'article 10 du code d'instruction criminelle permettait à la police de saisir les lettres suspectes, et de les copier avant de les remettre dans le circuit de distribution. En 1913, le préfet de police Célestin Hennion créa une direction des renseignements généraux et des jeux, dont l'une des activités principales était la surveillance postale, perpétuant ainsi la pratique institutionnalisée du viol du secret des correspondances.
Depuis 1946 en France, la violation du secret de la correspondance, qu'elle circule par voie postale ou par un réseau de télécommunications, est actuellement réprimée (actuellement par les articles 226-15 et 432-9 du code pénal et par l'article L 33-1 du code des postes et des communications électroniques.). Le retour de faiblesses de chiffrements imposées par l'état dans les communications électroniques serait un retour en arrière et une ré-apparition de facto du cabinet noir.
Sources historiques : article Wikipedia sur le cabinet noir
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